Pourquoi la mixité n’est pas un sujet de femmes, mais un enjeu de société

On parle beaucoup de mixité, mais trop souvent sur le mauvais ton, comme si c’était une cause portée par les femmes pour les femmes. C’est une idée fausse. La mixité n’est pas une affaire de genre, c’est une question d’équilibre et de représentativité. Elle concerne la manière dont nos entreprises, nos institutions et nos lieux de décision reflètent – ou non – la diversité réelle de la société. La mixité, c’est avant tout une question de cohérence. Comment prétendre servir un monde pluriel quand les instances qui décident restent homogènes ? Comment imaginer des politiques inclusives quand les voix qui les conçoivent ne le sont pas ? Ce sujet dépasse largement la parité hommes-femmes. Il interroge notre capacité à intégrer des visions, des parcours et des sensibilités différents dans nos modèles économiques et sociaux. Parce qu’une organisation qui ressemble à la société qu’elle sert est plus juste, plus efficace et plus durable. La mixité n’est pas un slogan, c’est une responsabilité collective. Elle demande de revoir nos façons de recruter, de promouvoir, de gouverner, de débattre. Et surtout, d’accepter que la richesse d’une organisation vient de la diversité de ses regards. Elle dit beaucoup de ce que nous valorisons : la reproduction ou la transformation, le confort ou le courage. Elle parle de confiance, d’ouverture et de légitimité. Et c’est peut-être là que tout commence : dans la capacité à admettre que la société a changé et que nos structures doivent, elles aussi, évoluer pour lui ressembler.

Sortir du cliché : la mixité n’appartient pas aux femmes

Il suffit d’assister à certaines réunions pour comprendre le malentendu.
Un “réseau féminin” organisé sur la pause déjeuner. Des petits fours, quelques badges colorés, un discours sur la “sororité professionnelle”. Et autour, des regards parfois condescendants : “Ah, encore un club entre elles”. Comme si ces espaces d’échanges et de soutien étaient des réunions Tupperware d’un autre temps.

Ce cliché, on le connaît trop bien. Il résume à lui seul la difficulté de la mixité : quand les femmes s’organisent, on parle d’entre-soi ; quand les hommes le font, on parle de réseau d’influence. Cette perception est révélatrice du déséquilibre culturel qui persiste encore dans nos entreprises.

Réduire la mixité à un “combat féminin” revient à la vider de son sens. Ce n’est pas une revendication identitaire, mais une exigence d’équité. Ce n’est pas une affaire de “plafond de verre”, c’est une question de structure du plafond lui-même. Elle concerne la manière dont nous faisons société, dont nous distribuons le pouvoir, dont nous valorisons la compétence et la parole.

Chaque fois qu’on range la mixité dans la catégorie des “sujets RH”, on passe à côté de l’essentiel. Ce n’est pas un thème de bien-être au travail, ni un bonus de communication. C’est un enjeu de légitimité et de performance. Elle parle d’accès au pouvoir, de reconnaissance des talents, de place dans la décision et de capacité d’impact.

Les femmes n’ont pas à corriger seules un système qui ne les a pas pensées. La responsabilité est partagée. Parce que la mixité n’est pas un correctif, c’est un cadre nouveau pour penser le leadership. Un leadership qui ne repose plus sur la domination ou la reproduction, mais sur la coopération, la diversité des points de vue et la confiance dans la différence.

C’est ce leadership-là que les entreprises les plus performantes adoptent déjà : plus ouvert, plus conscient, plus représentatif du monde dans lequel elles évoluent. La mixité, ce n’est pas un supplément d’âme. C’est un miroir. Celui d’une société qui apprend enfin à se regarder dans toute sa complexité.

La responsabilité collective des dirigeants

La mixité ne se décrète pas. Elle se décide. Et cette décision doit venir d’en haut. Les dirigeants ont un rôle déterminant : celui d’incarner le changement, pas seulement dans les discours, mais dans les faits. Repenser les recrutements, la gouvernance, la manière dont on évalue la performance, c’est un acte de leadership.

Les chiffres rappellent combien ce chemin reste nécessaire. Selon les données publiées par UN Women, les femmes n’occupent aujourd’hui que 28,2 % des postes de management dans le monde. En politique, elles représentent seulement 23,3 % des membres de cabinets ministériels d’après le rapport 2024 sur les dirigeantes politiques, également publié par UN Women. Ces chiffres ne traduisent pas un manque de compétences, mais un déficit d’accès au pouvoir et de confiance systémique.

Les hommes ont donc un rôle essentiel à jouer dans ce mouvement. Pas pour “soutenir” les femmes, mais pour comprendre que la diversité crée de la valeur. Les entreprises réellement mixtes sont plus innovantes, plus résilientes et plus performantes. Une étude de McKinsey, “Diversity Wins” (2023), montre d’ailleurs que les entreprises dont les équipes dirigeantes sont les plus diverses ont 25 % de chances supplémentaires de surperformer financièrement. La mixité n’est donc pas un effet de mode, mais un levier stratégique de croissance et de compétitivité.

Dans mes engagements, notamment au sein d’UN Women France et de Parité Assurance, je constate chaque jour que les transformations les plus durables se produisent lorsque la direction fixe des objectifs clairs, mesure les progrès et ajuste ses pratiques de gouvernance. Quand le comité de direction devient mixte, quand les critères de promotion intègrent la représentativité et non uniquement la performance individuelle, alors la culture de l’entreprise se transforme réellement.

Faire de la mixité une priorité, c’est une décision de leadership. Ce n’est pas une question de communication, mais de cohérence. C’est la marque des dirigeants lucides, capables de comprendre que la société a changé et que leur organisation doit évoluer avec elle.

Intelligence augmentée : la complémentarité plutôt que la substitution

Le débat sur l’intelligence artificielle est souvent posé en termes de confrontation : l’humain contre la machine. Cette opposition est stérile. L’enjeu n’est pas de savoir si la technologie va nous remplacer, mais comment elle peut nous renforcer. L’avenir du numérique ne repose pas sur une intelligence artificielle autonome, mais sur une intelligence augmentée.

L’intelligence augmentée consiste à utiliser la puissance de calcul et d’analyse de la machine pour amplifier les capacités humaines : compréhension, décision, créativité. Elle repose sur la complémentarité, pas sur la substitution.

Dans le domaine de la santé, cette approche a déjà montré sa pertinence. Une étude publiée dans Nature en 2020 par Google Health a démontré qu’un modèle d’IA pouvait aider les radiologues à détecter des cancers du sein sur des mammographies avec un taux d’erreur réduit, sans pour autant se substituer au diagnostic médical. Le rôle de la machine est ici d’assister, d’alerter, d’accélérer, tandis que la décision finale reste humaine. D’autres expériences menées par l’Institut Curie en France vont dans le même sens : l’IA devient un outil d’aide à la décision clinique, pas un médecin virtuel.

Dans le secteur juridique, l’intelligence artificielle est utilisée pour faciliter la recherche documentaire ou analyser des volumes importants de jurisprudence. Des plateformes comme Doctrine.fr ou des outils développés par LexisNexis exploitent le traitement automatique du langage pour aider les avocats à identifier des précédents ou des tendances. L’objectif n’est pas de remplacer la plaidoirie, mais de permettre un gain de temps et une meilleure compréhension des enjeux. La machine trie, mais l’humain interprète.

L’éducation offre aussi des exemples concrets de cette approche. Des projets européens comme Teach4AI ou les expérimentations menées par l’UNESCO explorent la manière dont les outils d’IA peuvent personnaliser l’apprentissage, détecter les difficultés d’un élève et proposer des parcours adaptés, tout en laissant l’enseignant au centre de la pédagogie. L’IA devient un outil de soutien, pas de remplacement.

Cette vision de la technologie comme partenaire plutôt que substitut permet de restaurer un équilibre. La machine apporte la rapidité, la fiabilité et la capacité à traiter des masses d’informations. L’humain conserve la capacité d’empathie, de discernement, de responsabilité.

Le philosophe français Bernard Stiegler, dans ses travaux sur la “pharmacologie du numérique”, rappelait que la technologie est à la fois un poison et un remède : tout dépend de l’usage qu’on en fait. C’est exactement le sens de l’intelligence augmentée. Elle n’est pas une fuite en avant vers l’automatisation totale, mais une tentative d’alliance entre puissance et conscience.

Construire cette alliance suppose trois conditions. D’abord, une formation adaptée : les utilisateurs doivent comprendre les limites de la machine pour en faire un véritable outil d’émancipation. Ensuite, une transparence des systèmes : il faut savoir comment les algorithmes fonctionnent et sur quelles données ils s’appuient. Enfin, une éthique de l’usage : chaque projet technologique doit interroger sa finalité sociale avant son efficacité technique.

L’intelligence augmentée n’est pas une utopie technophile. C’est une orientation stratégique et culturelle. Elle redonne à la technologie sa juste place : non pas celle d’un cerveau de remplacement, mais d’un partenaire de progrès.

La mixité, un levier stratégique

Les organisations réellement inclusives ne se contentent pas d’afficher des engagements : elles les traduisent en résultats. Elles gagnent en agilité, en créativité, en légitimité. Elles attirent les talents et inspirent la confiance. Mais la mixité n’est pas un projet de communication ni une case à cocher dans un rapport RSE. C’est une stratégie d’entreprise : un engagement visible, mesurable, sincère, porté par la direction.

Prenons quelques exemples frappants : la firme McKinsey & Company rappelle dans son rapport “Diversity Matters Even More” que les entreprises du top quartile pour la diversité des équipes dirigeantes ont jusqu’à 39 % de probabilité supplémentaire de surperformer financièrement par rapport à celles du quartile inférieur (source : sustainabilitymag.com). Ce n’est pas un simple effet d’image : la diversité est associée à de meilleurs résultats opérationnels et à une capacité accrue d’adaptation dans un monde de plus en plus complexe.

Un autre constat tiré du même rapport : lorsque les organisations atteignent un palier de représentativité – par exemple 30 % de femmes dans un comité exécutif – cela déclenche une dynamique durable d’inclusion et de performance (source : McKinsey & Company). Ces chiffres rendent tangible ce que beaucoup pressentent : la mixité ne se contente pas d’être “juste”. Elle est utile. Elle est stratégique.

Certaines entreprises l’ont compris depuis longtemps. Chez L’Oréal, la mixité est inscrite au cœur de la gouvernance : 55 % des membres du comité exécutif sont aujourd’hui des femmes. Chez Accor, le programme Women At Accor Generation (WAAG) lancé dès 2012 a favorisé la montée en leadership des femmes à tous les niveaux, portant la proportion de managers féminins à 42 %. Ces résultats ne relèvent pas du hasard, mais d’une stratégie claire, pilotée par la direction.

Dans mes engagements, notamment en tant que Vice-Présidente Partenariats chez UN Women France et membre de Parité Assurance, je constate que les transformations durables commencent toujours ainsi : lorsque la mixité devient un sujet de gouvernance. Quand elle est suivie, mesurée et intégrée à la stratégie globale, elle change la culture même de l’entreprise.

La mixité n’est pas une mesure cosmétique. C’est une vision stratégique : celle d’entreprises qui veulent ressembler à la société qu’elles servent. Une entreprise inclusive n’est pas seulement plus juste, elle est plus forte. Parce qu’elle réunit autour de la table la pluralité des talents, des idées et des réalités.

Vers un leadership lucide et inclusif

La mixité n’est pas un supplément d’âme. C’est une boussole. Elle indique la direction d’un leadership nouveau : lucide, ouvert et équilibré. Les talents féminins n’attendent pas des gestes symboliques, mais un cadre équitable. Ce cadre, c’est à chacun de nous de le construire. Dirigeants, managers, partenaires, hommes et femmes : la mixité est une co-responsabilité. L’avenir ne sera pas féminin. Il sera mixte, inclusif et conscient. Sinon, il ne sera tout simplement pas durable.

La société est déjà mixte. Le vrai enjeu, c’est que le pouvoir le devienne aussi.

Et si la vraie performance consistait à faire du pouvoir un lieu où toutes les voix comptent ?

Sources et lectures recommandées

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