Femme et syndrome de l’imposteur : évitez le piège
Tania Gombert
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Le syndrome de l’imposteur ne serait-il pas le coupable idéal désigné comme faisant obstacle à la carrière des femmes, une sorte d’Usual Suspect du déficit de femmes aux postes clés ?
Le syndrome de l’imposteur, c’est cette petite voix intérieure qui nous fait croire que nous ne méritons pas ce job ou cette promotion. Celle qui nous fait craindre sans arrêt d’être démasquée par quelqu’un d’autre puisque nous ne sommes pas à notre place.
Pourquoi les femmes et le syndrome de l’imposteur sont-ils aussi souvent associés ? Simplement parce qu’on l’accuse très souvent de freiner l’avancée des femmes à des postes de responsabilités, tandis qu’on en parle beaucoup moins pour les hommes.
On nous explique de plus en plus souvent que si les femmes ont moins de postes à responsabilités, c’est parce qu’elles souffrent de ce sentiment d’imposture et que par conséquent elles n’osent pas aller chercher cette promotion.
Voici la raison pour laquelle le syndrome de l’imposteur ne doit plus servir de justification pour expliquer les inégalités du monde professionnel.
Femme et syndrome de l’imposteur : un manque de représentation
Nous ne venons pas au monde avec le syndrome de l’imposteur. Pourtant, ce dernier s’insinue dans nos vies dès l’enfance. Un article paru dans le magazine américain Sciences a permis de mettre en lumière le fait que les petites filles âgées de 5 ans ont tendance à identifier une personne décrite comme intelligente, résolvant des problèmes mieux et plus rapidement que tous les autres, comme appartenant à leur propre genre. Or, dès l’âge de 6 ans, cette tendance s’inverse et elles désignent alors cette personne comme étant un garçon. Les causes de ce changement sont faciles à cerner puisque dans leur environnement les personnes qui occupent des postes importants, avec une forte visibilité, sont des hommes. Un rapport de l’ONU relève qu’au 1er janvier 2021, seuls 22 pays, sur 193, étaient dirigés par des femmes. Dans la plupart des films et séries, les personnages principaux, les héros, sont en grande majorité des hommes, tandis que les femmes sont reléguées au second plan. Une étude réalisée en 2016 nous apprend que sur 30 films d’animation Disney et Pixar, 22 d’entre eux accordent davantage de temps de parole aux personnages masculins. Mais il semblerait que les studios d’animation tendent vers l’amélioration de ce pattern. Ce manque de représentation nous conduit donc inconsciemment à demander moins, à rêver moins grand et à rester à la place qui nous est imposée par la société. Les femmes de couleur et/ou appartenant à la communauté LGBTQ+ sont par ailleurs encore plus concernées par cette invisibilisation.
Femme et syndrome de l’imposteur : arrêtons de nous culpabiliser
Le syndrome de l’imposteur, nous en entendons parler à longueur de journée. D’ailleurs, une simple recherche Google nous permet d’accéder à des centaines d’articles nous expliquant de quelle façon nous pouvons lutter contre ce syndrome et comment nous sentir légitimes à demander ce qui nous revient. Il existe tout autant de coachs prêts à nous aider à nous en débarrasser. Et c’est merveilleux. Pourtant, cela peut nous laisser un arrière-goût amer. Puisque, la société rend une nouvelle fois les femmes responsables de leurs maux. Car au lieu de travailler ensemble, quel que soit notre genre, à faire évoluer les choses, nous incitons les femmes à faire mieux, à faire plus, en leur demandant d’aller chercher elles-mêmes tour à tour ce qu’elles méritent. Pire encore, nous nous sentons responsables de la lenteur de notre évolution professionnelle, coupables de ne pas avoir eu cette promotion, et responsables d’avoir un salaire inférieur à celui de nos collègues masculins. Finalement, nous en arrivons à tout mettre sur le compte d’un manque de confiance en nous, d’un sentiment d’illégitimité…
Femme et syndrome de l’imposteur : comment agir ?
Rappel historique
La loi du 13 juillet 1965 a permis aux femmes de travailler sans l’autorisation de leur mari et d’ouvrir leur propre compte en banque. Certains se serviront de ce fait pour expliquer qu’aucune femme n’est encore présidente d’une entreprise du CAC40 en 2021. Certains nous diront même que le monde du travail a bien évolué depuis 50 ans et que Rome ne s’est pas faite en un jour. Prétextant que leur arrivée tardive sur le marché professionnel explique à lui seul les écarts de salaires, le manque de promotion, ainsi que la précarité dont souffrent de nombreuses femmes dans leur environnement professionnel. On nous demandera ensuite d’être gentille et de patienter encore un peu. Pourtant, les femmes ont toujours travaillé. Il est important de rappeler que jusqu’au XIIIe siècle, les femmes pouvaient être médecins, mais qu’elles ont peu à peu été chassées des professions prestigieuses et rémunératrices. Au XVe siècle, il existait un salaire féminin. Et durant les deux guerres mondiales, ce sont les femmes qui ont remplacé les hommes dans les usines comme dans les bureaux. Puis on les a gentiment renvoyées à la maison afin de repeupler le pays.
N’arrêtons pas le combat
Contrairement à ce qu’on veut nous faire croire, ce n’est pas ce sentiment d’illégitimité qui nous empêche de franchir le plafond de verre, mais la société qui nous entoure. Mener des actions individuelles et tenter de comprendre quels sont les mécanismes qui nous bloquent est déjà un début de solution. Mais si nous voulons que notre monde évolue, c’est tous ensemble que nous devons agir. Et ce, quel que soit notre genre, notre éducation ou notre milieu social. Les hommes ont d’ailleurs tout à gagner en nous laissant notre part du gâteau, puisqu’une étude de l’Observatoire Skema a permis de démontrer que les entreprises plus féminisées sont généralement plus rentables. C’est à nous d’éduquer les nouvelles générations, en leur montrant des femmes leaders, des femmes ingénieures, des femmes politiques … Nous devons cesser de dire aux petites filles qu’elles sont seulement jolies et qu’elles doivent être gentilles. Apprenons-leur qu’elles sont fortes, capables, intelligentes, meneuses. Offrons-leur des modèles à suivre. Apprenons-leur à voir grand. Comme Françoise Giroud l’a si bien dit : « La femme serait l’égale de l’homme le jour où, à un poste important, on désignerait une femme incompétente ». D’ici là, commençons par cesser de culpabiliser les femmes et de les rendre responsables de leur situation professionnelle, en invoquant le syndrome de l’imposteur. Prenons garde aux mots que nous utilisons lorsque nous parlons de nous. Cessons de nous croire impertinentes simplement parce que nous refusons de rentrer dans le moule, que nous cherchons à obtenir ce qui nous revient et que justement nous posons des questions pertinentes.
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