L’écoféminisme, Femmes et Terre même combat face au capitalisme

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Les travaux et réflexions sur les liens entre genre et écologie très récents en France, sont le signe d’une réelle évolution aussi bien dans le domaine de l’écologie politique que de la pensée féministe. Nous sommes en effet passés d’un concept marginal et périphérique à une sensibilité écoféministe au cœur du combat qu’est le féminisme appelé « de troisième vague ». Comme pour la mode, nous assistions à un renouvellement des mœurs au sein des mouvements écologistes et féministes en eux-mêmes, faisant place à une nouvelle génération de militants qui amènent chacun leur propre interprétation du féminisme. Je pense que nous devons nous réjouir de cette pluralité et comprendre que c’est de cette diversité que naît la force, la richesse et l’inspiration d’un tel mouvement.

J’ai été chaleureusement conviée à participer à la soixante-sixième édition de la Commission de la condition de la femme pour intervenir, le 17 mars, à une table ronde organisée par l’association Femmes au-delà des mers (FAM). Le but du forum était de discuter d’inégalités de genres, d’urgence climatique et de territorialité afin d’apporter des solutions pour les femmes des Outre-mer.

Cette année, la thématique principale visait à créer un débat ouvert sur le rôle des politiques d’égalité des sexes dans le développement des carrières universitaires et des environnements de travail, de manière à encourager les changements de perspectives ainsi qu’à confirmer la nécessité d’une implication équitable des femmes et des hommes dans les domaines de la science, de la recherche et de l’innovation. Je me suis donc intéressée de plus près à cette cause qui faisait déjà écho en moi.

Féminisme humaniste / universaliste vs écoféminisme : un engagement profond, qui rallie et séduit autant qu’il inquiète et divise

Je prône un féminisme universaliste car il ne peut, selon moi, y avoir de féminisme sans humanisme. Avant d’être des hommes ou des femmes, nous sommes des êtres humains qui se veulent libres et égaux en droits mais aussi en dignité. Le clivage entre féminisme universaliste et féminisme intersectionnel – largement alimenté par les médias – n’a pas réellement de fondements, de la même manière que le clivage entre celles qui se revendiquent féministes et les autres femmes ne devrait pas exister.

Comme je le dis toujours, je suis féministe par réaction et m’insurge d’entendre trop souvent mes consœurs clamer haut et fort de ne pas être féministes alors qu’elles sont pourtant elles aussi pour l’égalité des sexes et qu’elles s’indignent des violences faites aux femmes. Les propos de Florence Montreynaud illustrent parfaitement mon positionnement : « On ne peut pas naître féministe, puisqu’on se donne cette identité au terme d’un processus de conscientisation. Je me suis définie comme féministe en devenant adulte, par solidarité avec les femmes maltraitées ou torturées en tant que femmes, et en prenant conscience de ma situation privilégiée. »

Il en va de même pour le féminisme universaliste et l’intersectionnel. Ce sont deux approches qui se rejoignent et se complètent au lieu de s’affronter. Elles doivent toutes deux se baser sur la volonté de faire converger les luttes, aussi multiples soient elles, sans en reléguer une seule au second plan. Il faut d’une part pouvoir se laisser guider par la notion d’universalisme, comme un idéal à atteindre et non pas le voir comme quelque chose d’abstrait qui conduirait à occulter des réalités telles que le racisme ou les diverses discriminations. Puis d’autre part, il faut arriver à se servir de l’intersectionnalité comme d’un outil d’analyse tenant compte de la totalité des dynamiques de domination auxquelles nous pouvons être confrontées, sans pour autant les hiérarchiser.

Finalement, le lien naturel entre « féminisme » et « écologie » – deux victimes du capitalisme et du patriarcat – est des plus évidents. L’écoféminisme est ainsi né afin de réunir en un unique combat « écologie » et « féminisme car les femmes et l’environnement sont soumis à un même scénario de violence et de domination : la destruction du premier contre l’oppression de ces dernières.

Pour un monde le plus égalitaire et durable possible, il est impératif de lutter contre toutes les formes d’oppressions, sans exception.

Quand on parle d’écoféminisme, de quoi parle-t-on ?

Depuis quelques mois, nous assistons en France à l’émergence du terme « écoféminisme ». Entre revendication du droit des femmes et préservation de la nature, il faut voir le féminisme écologique comme un courant des éthiques environnementales donnant une place centrale à la question des relations de genre et de la domination, dans un cadre de protection environnementale. Les connexions existantes entre la domination des hommes sur la nature et sur les femmes sont donc au cœur des débats.

Il y a plusieurs raisons qui expliquent à quel point faire le lien entre féminisme et écologie est aujourd’hui inévitable. En effet, ce sont généralement les mêmes peuples vulnérables qui sont le plus directement impactés par l’exacerbation des inégalités dues aux changements climatiques. À ce titre, les femmes qui représentent à elles seules, en 2021, 60 % de la population mondiale vivant sous le seuil de pauvreté, sont alors touchées de manière extrême. D’ailleurs, force est de constater que, pour la plupart des militantes se trouvant au Sud et sur qui le poids de la domination masculine pèse quotidiennement, la lutte écologique est une question de survie.

Voici l’essence-même de l’écoféminisme, qui est davantage un mouvement d’actions que de pensées, avec dans l’idée de combattre ensemble l’exploitation de l’environnement par les humains et l’oppression des femmes. L’écoféminisme existe dans le but de repenser la société de manière globale.


Histoire et grandes figures de l’écoféminisme

Bien que ces dernières années semblent l’avoir remis au goût du jour, de nombreuses figures féminines, qu’elles soient écrivaines, chercheuses ou encore militantes, se sont investies depuis des décennies dans l’écoféminisme, qui pourrait être défini comme un mouvement interdisciplinaire.

 

Le mot « écoféminisme » est apparu pour la première fois dans un livre de la militante et écrivaine française Françoise d’Eaubonne, intitulé Le Féminisme ou la mort, en 1974. Cette dernière fonda le MLF (le Mouvement de Libération des Femmes) en 1970 puis l’association Écologie Féminisme Centre en 1974.

 

Néanmoins, l’origine du mouvement pourrait remonter à plus loin encore, jusqu’en 1962 au moins, date de publication de Silent Spring, de Rachel Carson, une biologiste émérite américaine. Cet ouvrage fut l’une des premières publications à dénoncer les pollutions aux pesticides et à présenter une remise en question de l’approche techniciste des problématiques environnementales. Ce dernier eut des répercussions considérables. En tant que précurseur emblématique de l’écoféminisme, Rachel Carson reçut plusieurs récompenses au cours de sa carrière dont un U.S National Book Award ainsi que la médaille présidentielle de la Liberté, à titre posthume.

 

Nous avons ensuite eu Maria Mies, une sociologue allemande représentant quant à elle le mouvement écoféministe dit socioéconomique ; Carolyne Merchant, une philosophe et historienne des sciences américaine qui reprochait au siècle des Lumières d’être le point de départ de la domination de l’homme sur la Nature et la femme ; Wangari Muta Maathi qui, forte de son titre de biologiste et professeure en médecine vétérinaire au Kenya, a consacré sa vie à la lutte environnementale ainsi qu’à la défense de la démocratie et de la paix ; Ariel Salleh, sociologue et militante écoféministe australienne ; Karen J. Warren, une pilosophe américaine ; Starhawk, une journaliste et militante américaine ou encore Vandana Shiva, philosophe et écologiste militante indienne, donnant une voix à l’écoféministe dans les pays du Sud et enfin Émilie Hache, une philosophe française encore très investie aujourd’hui.  À l’heure actuelle, c’est l’écologiste Sandrine Rousseau qui revêt, à son tour, les couleurs de l’alliance de ces deux luttes. Une notion inédite sur la scène politique…

 

L’écoféminisme n’est pas une mode mais un flambeau que les femmes à travers le monde se passent de génération en génération.

La nouvelle génération de l’écoféminisme

« Les jeunes ne resteront pas silencieux », c’est ce que Maria Christina Kolo affirme lorsque l’on parle de climat et de féminisme. Militante climatique, écoféministe et entrepreneure sociale, cette jeune femme originaire de Madagascar nous explique très simplement l’analogie faite entre la soumission des femmes et de la Nature sous le poids de l’homme : « On se permet de s’accaparer la Terre comme on s’accapare le corps de la femme sans que la nature ou que la femme ait son mot à dire ». Ce constat, qui me semble juste et révoltant, donne tout son sens au concept d’écoféminisme.


En tant que jeune femme malgache engagée, elle est elle-même victime de nombreuses attaques et insultes, ce qui ne l’empêche pas pour autant d’incarner depuis toute petite, l’insoumission et l’engagement dans sa vie quotidienne. Ses actions et sa voix dérangent mais Marie Christina Kolo a su en faire une force.

 

Après avoir créé son entreprise sociale en 2016, GreenNKool s’engage depuis plus de 5 ans dans la gestion des déchets communautaires, la création d’activités lucratives autour du recyclage et d’emplois verts pour les plus démunis. Elle n’hésite pas non plus à prendre la parole pour dénoncer les viols ou à montrer les coupables du doigt et a même créé une plateforme digitale pour venir en aide aux victimes.

 

Puis sur un axe plus familier, nous avons ma nièce, une jeune femme métisse (Martinique / Madagascar) qui représente aussi très bien le futur visage de l’écoféminisme. Ambitieuse et doté d’un fort caractère, elle a décidé de faire ses études en France et a intégré un Master en risques naturels et environnement. Du haut de son jeune âge, elle a très rapidement su cerner ce qui ne tournait pas rond dans notre société et notre monde. Particulièrement sensible et révoltée, celle qui pour qui l’égalité n’est déjà plus une question à se poser ne baissera jamais les bras face aux urgences climatiques auxquelles nous sommes confrontés.

 

Plus qu’une vocation, ma nièce n’a pas eu le choix que de suivre son instinct et ses tripes qui lui indiquaient depuis son plus jeune âge le chemin qu’elle devait emprunter. Contribuer à préserver Dame Nature et la beauté de son île, intervenir pour réveiller les consciences ainsi que montrer l’exemple et ouvrir la voie. C’est avec cette nouvelle jeune génération sensible, que nous construisons un futur fait de grandes aspirations.

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